Il est temps de prendre un nouvel élan

Nous ne voulons pas d’une nouvelle normalité. Nous voulons un nouvel élan.

Au cours de l’histoire, les choses ont tendance à changer lentement, puis d’un seul coup. La pandémie ne fait pas exception : après des décennies de progrès technologiques progressifs, il a suffi de quelques mois pour changer notre façon de travailler, de vivre, d’aimer et de jouer. Au début, on parlait de « retour à la normale ». Puis, on a parlé de la « nouvelle normalité ». Toutefois, peu d’experts reconnaissent ce que la COVID, et l’adoption fulgurante de la technologie qu’elle a entraînée, représentait réellement : une remise à zéro monumentale.

Les preuves de cette réadaptation au niveau de l’espèce se manifestent partout autour de nous. Considérez quelques-unes des plus grandes tendances actuelles dans le travail, les médias, les affaires et la société.

Dans le milieu professionnel

  • La grande démission. Selon l’enquête Pulse of the American Worker de Prudential Financial, un travailleur sur quatre se prépare à chercher un nouvel emploi ; plus de 40 % des 30 000 personnes interrogées par Microsoft à travers le monde dans le cadre de son enquête Work Trend Index envisagent de quitter leur employeur cette année. Ceridian a constaté que 64 % des Américains envisagent de changer d’emploi ; pour les moins de 30 ans, ce chiffre grimpe à 76 %. Par ailleurs, le fossé entre les travailleurs de première ligne et les travailleurs du savoir est presque infranchissable.
  • Le grand réapprentissage. Les inscriptions dans les programmes de premier cycle et de deuxième cycle ont une tendance à la baisse depuis environ 2012. Les inscriptions à l’enseignement en ligne ont diminué de 5,4 % pour les programmes de premier cycle et de 13,6 % pour les programmes de deuxième cycle. La fréquentation des collèges communautaires  est en baisse de 5,6 % cette année suite à une chute de 10 % l’an dernier. Et les finissants du secondaire qui demandent une aide financière ont chuté de 4,8 % en 2021 et de 3,7 % en 2020. Entre-temps, les cours par cohortes et les plateformes gratuites de formations en ligne ouvertes à tous (FLOT) sont en plein essor.

Dans les médias

  • L’extinction des médias traditionnels. 42 % des Américains de moins de 30 ans se tiennent informés grâce aux médias sociaux. 68 % des plus de 65 ans suivent l’actualité par le biais des médias traditionnels. Les chaînes d’information traditionnelles ont disparu, et avec elles, une « vérité absolue » offrant une version unique des faits. Puis, alors que tout ce que nous disons en ligne peut être consulté par n’importe qui à tout moment, nous avons réalisé que bon nombre de nos concitoyens ne nous plaisent pas vraiment.
  • Faits alternatifs et méfiance à l’égard de l’autorité. Avec les informations sur la pandémie en constante évolution, nous nous sommes tous tournés vers Internet pour savoir quoi faire, ce qui a souvent entraîné des résultats désastreux. Le médium est en effet le message, et l’information moderne est une cacophonie invérifiable. En 2005, lors de l’épisode pilote de The Colbert Report, Stephen Colbert a inventé le terme « Truthiness ». Douze ans plus tard, en 2017, cette expression s’est avérée prémonitoire lorsque la Maison Blanche a affirmé que les faussetés étaient des « faits alternatifs ». Faut-il s’étonner, alors, que nous ne fassions pas confiance aux autorités ?

Dans l’entreprenariat

  • N’importe qui, n’importe où. Les startups sont désormais des entreprises éphémères réparties entre les villes et les fuseaux horaires. Selon une étude réalisée par Hiring, le nombre moyen de marchés d’emploi lors d’un entretien par une entreprise technologique a augmenté de 50 % pendant la pandémie, tandis que le nombre de fuseaux horaires a grimpé de 20 %. Des outils SaaS abordables, des plateformes collaboratives comme Github et des marchés de travailleurs indépendants pour tous les domaines, du marketing à la finance en passant par le design, ont considérablement réduit les difficultés.
  • L’économie des créateurs s’est concrétisée. Les créateurs rejoignent directement leurs abonnés, créant des millions de petites niches et de communautés d’intérêt. Cette économie élimine les détaillants et les intermédiaires traditionnels. Tout le monde a lancé une boutique de produits dérivés, alors que nous nous sommes éloignés des grandes surfaces en ligne et hors ligne dans notre quête de luxe et d’individualité.
  • Nous avons repensé les médias. Mr. Beast, le Youtubeur le mieux payé au monde, a gagné 54 millions de dollars en 2021 grâce à des exploits comme se faire payer par un restaurant pour manger. Etsy regorge de produits de niche qui remplacent la production de masse par des compétences sur mesure. Crash Course a donné des centaines de millions de cours, et de nombreux étudiants du secondaire lui attribuent le mérite de les avoir aidés à s’orienter au sein d’un système éducatif de plus en plus défaillant. Les NFT ont donné naissance à une vague haletante de startups de Web3 et ont fait changer d’avatar les utilisateurs de Twitter. Le paysage médiatique d’aujourd’hui ne ressemble à rien de ce qui l’a précédé, brouillant les frontières entre les personnes et les marques, et entre les spectateurs et les artistes.

Dans la société

  • Un retrait du globalisme vers la nation et l’individu. La COVID a prouvé que les systèmes gouvernementaux existants ne peuvent pas produire d’action collective, fournir une santé publique équitable ou protéger leurs citoyens comme nous le pensions. La plupart des démocraties occidentales obligent leurs dirigeants à débattre en public une fois tous les quatre ans. Pour une génération qui a grandi en s’abonnant à des diffusions quotidiennes en direct, ces systèmes semblent de moins en moins adaptés à la réalité moderne. Du Brexit aux événements du 6 janvier, des démocraties qui étaient encore récemment considérées comme des parangons de réussite se retrouvent divisées et mises à l’écart.
  • La résilience devient essentielle. L’investisseur Paul Kedrosky prévoit un durcissement mondial à mesure que l’impact du changement climatique devient inévitable et que de nombreux systèmes complexes dont nous dépendons commencent à faire défaut. Les blocages du canal de Suez, les pénuries de chips, les rayons vides et les retards des compagnies aériennes ont révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement modernes. Les feux de forêt, les inondations, les gels soudains, les dégels hors saison et les tornades catastrophiques sont devenus la norme. Nous sommes responsables de notre santé, de notre sécurité et de notre bien-être.

Lentement, puis d’un seul coup, tout a changé.


Peut-être que c’est exactement ce dont nous avions besoin

Une remise à zéro est à la fois une fin et un début. En ce qui concerne les startups, peut-être qu’une réinitialisation est précisément ce dont nous avions besoin :

  • Nous sommes de plus en plus axés sur la mission. Compte tenu du fait que les meilleurs travailleurs peuvent choisir ce sur quoi ils travaillent, la mission et la vision sont aussi importantes que le bilan et le plan d’options. Nous avons moins d’enfants, au Canada et à l’étranger ; nous accordons plus d’importance au bien-être et à la santé mentale ; et nous redéfinissons nos vies. 
  • Nous sommes conscients que le monde ne se rétablira pas tout seul. La preuve généralisée que la société humaine doit changer si elle veut survivre se traduit par d’énormes investissements dans le développement durable. Les investisseurs sont désormais enclins à soutenir des idées de technologies propres et de biotechnologies qui auraient semblé impensables il y a seulement quelques années.
  • Nous sommes plus intelligents en matière de mesure des activités. La pandémie a exercé une pression incroyable sur les entreprises. En toute franchise, elle a éliminé beaucoup de mort-bois : des entreprises sans valeur démontrable ou sans clients fidèles ont fermé leurs portes en quelques mois. D’autres ont connu une croissance fulgurante en étanchant notre soif de technologie et de logistique. Dans tous les cas, les survivants se sont concentrés sur les éléments fondamentaux. Aujourd’hui, il y a beaucoup moins de tolérance pour la comptabilité bâclée et la pensée magique.
  • Nous sommes également plus intelligents en matière de financement. L’une des conséquences de cette évolution est la montée en puissance des prêteurs non-dilutifs financés par les revenus, comme Clearbanc, qui offrent un nouveau type de fonds de roulement pour les entreprises à croissance rapide. En retour, cela a obligé les accélérateurs à modifier leurs modèles d’affaires et à inviter des startups du monde entier.
  • Nous décentralisons nos vies en ligne. Si le Web3 et le Metaverse restent des hyperboles (nous oublions vite qu’un web distribué et ouvert était la norme à l’époque de Twitter, Delicious et Flickr), l’apparition d’un portefeuille numérique unique qui prouve qui vous êtes, combien vous avez et ce que vous possédez change la donne. La technologie de la chaîne de blocs confère aux objets numériques des propriétés physiques telles que la permanence, la portabilité et la rareté, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux modèles d’affaires.

La liste est longue.


Nous avons du pain sur la planche

Il y a beaucoup à faire, et beaucoup à discuter. La COVID et la numérisation rapide de l’humanité constituent un événement à l’échelle de l’espèce, et nous avons tous un rôle à jouer. Si nous voulons survivre à cette transition, nous devons prendre la partie de nous-mêmes qui a soif du passé et la mettre soigneusement de côté.

Néanmoins, la COVID a sapé notre capacité à nous lier et à nous inspirer. Nous vivons nos journées dans de fades rectangles de similitude, à la recherche désespérée d’une quelconque nouveauté ou sérendipité. Nous redoutons le fardeau de devoir répondre à une énième invitation LinkedIn, de remplir nos calendriers aussi étroitement que la fin d’une partie de Tetris bien jouée. Avec tout ce qui est numérique, planifié et suivi, nous avons perdu notre sérendipité.

L’avenir du Startupfest

En 2022, il est fort probable que la vaccination généralisée, la réduction du temps passé à l’intérieur et une meilleure compréhension de la COVID nous permettront de nous réunir à nouveau comme nous le faisions autrefois et de profiter du genre de sérendipité que nous avons tous apprécié lors des dernières éditions. Cela étant dit, nous ne voulons pas seulement revenir au passé. Nous voulons transformer ce que nous avons appris de cette crise en quelque chose de nouveau, et trouver de nouvelles façons pour les startups de partager leurs connaissances, de tisser des liens fructueux et de créer de meilleures entreprises plus rapidement.

Le Startupfest a toujours mis l’écosystème des startups au premier plan, que ce soit à ses débuts en tant que rencontre locale ou en tant que festival annuel emblématique qui a transformé les plus grands sites de Montréal en célébrations bondées de fondateurs et d’acteurs du milieu entrepreneurial. Depuis plus d’une décennie, nous avons trouvé des moyens d’offrir des interactions enrichissantes d’une manière inattendue qui remet en question le statu quo, une nécessité aujourd’hui plus que jamais.

Le réseautage est un muscle, et nous avons tous oublié comment l’utiliser. Dans notre isolement, nous avons perdu la compétence de l’interaction humaine. Nous avons oublié comment parler à des personnes que nous ne connaissions pas déjà et comment explorer des idées nouvelles de manière spontanée. Soyez honnête : même si vous êtes ravi lorsqu’un ami vous propose un plan, vous êtes secrètement soulagé quand il annule. Nous sommes tous passés par là.

La pandémie a également obligé le Startupfest à changer, et nous avons été très occupés :

  • En 2020, nous avons organisé l’un des premiers événements hybrides au monde et nous nous sommes servis de notre expérience pour aider des dizaines d’organisations de renommée mondiale à passer au numérique.
  • Un an plus tard, nous avons profité de la popularité des événements virtuels pour offrir aux startups canadiennes une semaine de conférences et d’échanges avec l’écosystème mondial. 
  • En 2022, nous lançons une toute nouvelle facette du Startupfest.

Bien que nous soyons certains de nous retrouver à nouveau sous le ciel de Montréal cet été, nous avons également réalisé que les réunions ne seront plus jamais les mêmes, en ligne ou non. C’est pourquoi nous avons été occupés à travailler sur la réalisation d’une plateforme technologique, ce qui fait de ce manifeste une sorte de lancement (bien que nous n’en dévoilions pas encore trop !).

Nous avons testé des stratégies de jumelage et de ludification que nous avons développées avant même que la pandémie ne frappe, ainsi qu’une application mobile qui encourage les rencontres saines et productives avec des interlocuteurs authentiques. Il ne s’agit pas seulement d’une nouvelle façon de créer des liens, mais d’une nouvelle approche pour développer des relations.

Face à des défis et à des opportunités considérables, nous avons besoin d’un nouvel élan pour les fondateurs de Montréal et d’ailleurs, pour les types d’organisations que nous choisissons de créer et pour la société elle-même. Nous ne voulons pas d’une nouvelle normalité, nous voulons un nouvel élan. Cela commence par le partage de nouvelles idées, l’établissement de nouveaux contacts, la prise de nouveaux risques et la découverte d’une nouvelle perspective. Voilà pourquoi le Startupfest existe.